En gros titre sur cinq colonnes à la une, la presse locale a appris aux Strasbourgeois que Jeanne Barseghian, maire de la ville, aurait trouvé une issue à la controverse sur la subvention pour la mosquée Eyyub Sultan. Or, ceci est faux. Dans une lettre de près de 1000 mots publiée le 16 avril 2021, la Maire explique comment elle compte mettre fin à la polémique.
Écriture inclusive et vocabulaire à la mode
Cette lettre en écriture inclusive est un modèle du genre.
Tout y est : « … Apaisement, concorde, volontarisme, principes républicains, équité, engagement républicain, État de droit, combat contre l’injustice et la haine, réconciliation entre les peuples, Europe de paix et de solidarité, capitale européenne de la démocratie, droits humains, terre d’accueil humaniste, ville résiliente, blablabla… ».
–> Pour lire le texte intégral de la lettre de la maire, cliquez ici
Le recours de la préfète
De ce verbiage embrouillé, il faut retenir plusieurs choses : premièrement, les responsables du projet Grande Mosquée Eyyub Sultan auraient retiré le 15 avril leur demande de subvention car ils auraient constaté que leur plan de financement n’était pas bouclé. Ne le savaient-ils pas en janvier ?
Quelle fable ! En réalité c’est la Maire qui a demandé aux responsables de la mosquée de retirer leur demande de subvention, ce qui lui permettra de faire voter une autre délibération lors d’un prochain conseil municipal, rendant ainsi caduque la délibération litigieuse du conseil municipal du 22 mars 2021 favorable à la subvention. Comme la préfète avait introduit un recours contre cette délibération, il ne fallait surtout pas courir le risque de laisser le Tribunal administratif trancher le litige.
Deuxièmement, on lit dans la lettre de la maire que la Ville ne versera donc pas “en l’état” de subvention pour la poursuite de la construction de la mosquée. Pourquoi donc ajouter “en l’état” ? On devine aisément que lorsque le contexte aura changé, la Ville finira par accorder cette subvention.
Tous les élus la voulaient, cette mosquée.
mais pas les Strasbourgeois
Troisièmement, Jeanne Barseghian rappelle – avec raison – que les municipalités précédentes avaient fortement soutenu le projet, “au point de modifier les règles d’urbanisme pour en permettre la réalisation”. Quel aveu ! On est bien loin de l’intérêt général lorsque des élus modifient les règles d’urbanisme pour permettre la construction de minarets. Cela a été possible parce que tous les élus, tous bords politiques confondus, ont soutenu le projet, même et surtout ceux qui aujourd’hui font mine de s’opposer.
Ensuite, on apprend dans cette lettre que la maire n’avait pas été alertée sur ce qu’est le Millî Görüs. Déclaration étonnante ! Même si un élu ne sait pas comment sont organisées les communautés turques en Europe et dans sa ville, il lui incombe de chercher les informations sur cette organisation politico-religieuse, largement disponibles dans la presse et sur internet. Jeanne Barseghian a la volonté d’aider au financement de la mosquée du Millî Görüs, mais elle ne devrait pas écrire qu’elle n’a pas été alertée sur les risques que représenterait le Millî Görüs. Inculture ou tartufferie ?
Comité Théodule
Enfin, autre information intéressante dans la lettre : la maire va constituer un groupe de travail pour débattre du financement des cultes avec les élus de la Ville, les représentants des cultes et d’autres acteurs locaux (?) et demandera au Strasbourgeois d’apporter leurs contributions. Encore un comité Théodule pour mieux faire passer les subventions ? Souhaitons que les experts, les notables et les citoyens refusent de servir de caution aux voeux de l’équipe municipale.
Il est bon de rappeler que le problème n’est pas seulement la subvention de la Ville. Le vrai problème est l’autorisation donnée par la Ville pour un projet de mosquée gigantesque et démesurée, que la communauté turque de Strasbourg ne pourra pas financer, ni sa construction, ni son entretien. La seule issue raisonnable que pourrait trouver Barseghian, c’est de faire modifier le projet : une mosquée mieux dimensionnée, sans minaret, avec un dôme ramené aux limites prescrites dans ce quartier de la ville, ou une autre structure de toiture que le dôme, moins coûteuse.