Les responsables turcs de Strasbourg et les élus de la municipalité – anciens et actuels – ont été saisis du vertige de l’hubris. C’est leur folie des grandeurs qui les a conduits à lancer ce projet pharaonique de mosquée ottomane dans le quartier de la Meinau. Depuis dix ans, de nombreuses fautes ont été commises, dont les Strasbourgeois ne soupçonnent pas encore toutes les conséquences.
Permis de construire, oui ; plan de financement, non
Roland Ries, ancien maire de Strasbourg, n’aurait jamais dû délivrer le permis de construire sans s’assurer d’abord d’un plan de financement solide. Mais il désirait tellement que cette mosquée apparaisse dans le paysage urbain qu’il a fait l’impasse sur ce préalable. Au bout de deux ans de travaux, le chantier fût arrêté car l’association turque n’avait plus d’argent pour payer les entreprises. La situation était à ce point critique que le maire et son adjoint aux cultes de l’époque, Nicolas Matt, ont missionné un fonctionnaire de la ville, Jean-Michel Cros, pour accompagner une délégation du Millî Görüs au Qatar et au Koweit en septembre 2019 et tendre la sébile à leurs organisations islamiques. Comment a-t-on pu en arriver là ?
Cette démarche était une faute lourde, impliquant la Ville dans la recherche de fonds. Le comble, c’est que les voyageurs sont rentrés bredouilles, les Qataris et le Koweitiens n’ayant pas reçu l’accord d’Ankara.
Projet démesuré lancé sans étude préalable
Avant de s’engager dans cette voie, il aurait aussi fallu mener une étude sérieuse des besoins et ne pas se contenter des rêves de quelques-uns. Comparons avec la ville de Cologne en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Vivent à Cologne environ 60 000 Turcs qui ont voulu, eux aussi, édifier une grande mosquée. Celle-ci a été inaugurée le 29 septembre 2018 après bien des difficultés et des controverses, en présence d’Erdogan. Sa capacité d’accueil est inférieure à celle de Strasbourg. Ici, la communauté turque compte 30 000 membres, soit deux fois moins qu’à Cologne, et pourtant la mosquée de la Meinau sera plus grande. Comment espérer consolider un plan de financement dans ces conditions ?
Pas d’argent pour construire la mosquée
La municipalité de Strasbourg se sent prise en otage. Qui va abonder le budget ? Les immenses murailles en béton de la Meinau se trouvent au centre d’un étrange triangle dont les sommets sont : le siège européen du Millî Görüs, l’État turc, la Ville de Strasbourg. Le triangle des Bermudes ? Et quand on sait que la Ditib, l’autre association turque concurrente, propriétaire de 30 000 m2 à Hautepierre, élabore elle aussi un projet de grande mosquée, on peut penser que les élus ont du souci à se faire.
Pas d’argent pour l’entretenir
L’autre problème dont personne ne veut parler est la charge d’entretien de ce futur édifice. Qui peut croire que la communauté turque de Strasbourg aura les moyens d’entretenir un tel édifice ? Personne. Cette patate chaude brûlera les mains des élus dans dix ans.Les croyants turcs ont déjà beaucoup donné pour ce chantier qui n’en finit pas. Eyup Sahin, le président du Millî Görüs local ne pourra pas indéfiniment les solliciter.
La solution : redimensionner un projet plus modeste
Il n’y a qu’une solution : revoir le projet et l’adapter aux contraintes du réel. Il faut que le CIMG-GMES dépose une demande de permis pour modifier le projet en abandonnant les minarets et en rabaissant la hauteur de la coupole. C’est en quelque sorte se rapprocher du modèle de la grande mosquée marocaine du Heyritz.